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Le Bio en Corse : entre héritage et renouveau

Manon Chassagnon

18 novembre 2024

Qui n’a jamais entendu : « le Bio, c’est juste une mode, un label qui finira par passer, comme tout le reste ! ». En réalité, c’est bien plus que ça : c’est une philosophie, une façon de cultiver et de vivre, qui ne cesse d’évoluer.

Depuis ses débuts timides dans les années 1980 (création du label en 1985 et arrivée du Bio en Corse en 1990), il a parcouru un chemin impressionnant, passant de l’idée d’utopistes à une part incontournable du marché agricole et alimentaire.

Mais si le Bio s’est démocratisé, les défis pour demain restent immenses.

Embarquez avec nous en Corse et explorons en profondeur l’histoire, les innovations et les perspectives de l’Agriculture Biologique, en mettant en lumière les pratiques pionnières qui dessinent son avenir.


Le Bio en Corse dans les années 90 : un pari fou

Dans les années 80 et 90, se lancer dans le Bio, c’était un sacré pari ! À l’époque, ce mode de culture était loin des standards habituels : on le voyait comme une idée un peu marginale, voire carrément risquée. Pourtant, quelques agriculteurs visionnaires ont tenté l’aventure. Puis petit à petit, ils ont transformé ce qui semblait être une utopie en une vraie révolution du champ à l’assiette (comme quoi l’espoir fait vivre) !


Les débuts d’un combat économique et technique

Dans les années 90, l’agriculture en Corse faisait face à une crise majeure. Les disparités monétaires, une mauvaise organisation et des intermédiaires peu scrupuleux laissaient les agriculteurs dans une situation économique désastreuse. Beaucoup, comme le père et arrière-grand-père de la Maison Berghman ou des Jardins de la Testa, ne parvenaient même pas à gagner leur vie.

Cependant, une génération d’agriculteurs a décidé de reprendre les rênes. En s’organisant au sein d’associations et de coopératives, comme Terre d’Agrumes, ils ont commencé à commercialiser eux-mêmes leurs produits et à imposer leurs prix. Cette autonomie leur a permis de sortir de l’endettement et de dégager des marges pour investir dans de nouvelles pratiques, notamment le Bio.

« Quand je me suis reconverti en Bio, c’était avec beaucoup de difficultés. À l’époque, nous n’avions pas tous les intrants nécessaires, ni les fertilisants organiques adaptés. Pendant dix ans, nous avons dû expérimenter. » raconte Patrick, un pionnier du Bio en Corse, producteur de la Maison Berghman. Avec l’association des producteurs, des solutions ont été trouvées pour enrichir le sol et lutter contre les ravageurs, mais ce fut un processus long et coûteux. Patrick finit en nous disant “J’ai essuyé les pots cassés pendant 20 ans.”.

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Maison Berghman, père et fils, un des pionniers du Bio en Corse (Puntimoso)


Surmonter le scepticisme pour fédérer

Les débuts du Bio étaient marqués par un scepticisme généralisé. Ces agriculteurs étaient perçus comme des “soixante-huitards, presque fous”. Mais les résultats ont fini par convaincre. Peu à peu, des producteurs se sont laissés séduire par les avantages du Bio et ont rejoint le mouvement.

Un exemple emblématique est la Maison Berghman et Patrick qui a réussi à convertir 15 producteurs locaux au bio dans les années 90 grâce à des résultats concrets et la création d’une station de conditionnement partagée entre plusieurs producteurs, pour amortir les coûts. Cette aventure a prouvé que le bio n’était pas seulement viable, mais aussi prometteuse pour l’avenir.

DSC04295.jpg Elles ne sont pas belles ces clémentines sur leur tapis de tri ?


Une filière encore jeune mais en croissance

Aujourd’hui, le bio représente une part croissante de l’agriculture corse, mais il reste encore marginal. Par exemple, sur les 40 000 tonnes de clémentines produites chaque année en Corse, seulement 12-13% (5 000 tonnes) sont certifiées Bio. Le potentiel de croissance reste immense, mais nécessite des efforts pour élargir les surfaces cultivées en Bio et répondre à une demande croissante.

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La clémentine Bio Corse est ramassée au sécateur avec la feuille bien sûr !


Les Innovations : chouchouter la terre et les arbres

Le Bio de demain ne se limite pas au respect de la nature : il s’appuie sur des technologies et des pratiques avant-gardistes pour améliorer la qualité des produits tout en préservant l’environnement. Parmi ces innovations, l’utilisation de l’eau restructurée et de la musique (non, non vous n'avez pas mal lu) pour soutenir les cultures illustre cette quête d’excellence.


L’eau restructurée : dynamiser pour mieux irriguer

Aux Domaines de la Taste, une expérience révolutionnaire a été menée : l’utilisation d’eau restructurée. Cette méthode repose sur une turbine qui brasse l’eau en recréant la structure naturelle de ses molécules, semblable à celle trouvée dans les cascades. Les résultats sont frappants : les plantations irriguées avec cette eau montrent une meilleure croissance et une résistance accrue aux maladies.

« C’est un investissement coûteux, 7 000 euros par machine, mais les résultats en valent la peine. » confie Yoann. Cette technologie, bien qu’encore peu répandue, pourrait devenir un standard dans les années à venir.


La musique : des vibrations pour la santé des plantes

Les plantes, comme les humains, réagissent aux vibrations. Des chercheurs ont découvert que certaines cultures, comme la tomate, produisent des vibrations spécifiques pour se protéger du mildiou. Recréer ces vibrations sous forme de musique permet d’aider les plantes à économiser leur énergie et à mieux résister aux maladies.

« Nous testons cette méthode sur nos avocatiers et d’autres plantations, et les premiers résultats sont très encourageants, » explique un agriculteur des Domaines de la Taste. Ce mariage entre biologie et art ouvre des perspectives fascinantes pour une agriculture plus respectueuse et harmonieuse.

Ndlr : finalement, même la faune semble aimer Vivaldi pour être plus productive 😉


Après le Bio, maintenant place à un nouveau pari : la diversification

En Corse, les producteurs cherchent à élargir leur offre en introduisant de nouveaux fruits adaptés au climat méditerranéen.


Tester des fruits exotiques

Des fruits comme les avocats, les litchis, et même les mangues commencent à être cultivés sur l’île. Cette diversification répond non seulement à une demande française, mais aussi une stratégie d’opter pour des fruits plus résistants, plus rapides à pousser, et moins demandeurs d’eau. Ces fruits d’hiver, sont plus adaptés au climat Corse et leur permet également de répartir les risques face aux aléas climatiques et économiques.

« Dans les années à venir, nous voulons que les consommateurs puissent trouver de tout en provenance de Corse » affirme Patrick de la Maison Berghman.

Pari fou, car l’avocat avait disparu, miné par un champignon il y a quelques années ! Il est de retour, grâce à des porte-greffes plus résistants !

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Créer des porte-greffes et des pépinières

Pour accélérer cette diversification, certains producteurs, comme ceux des Domaines de la Taste, ont créé leurs propres pépinières. Cela leur permet de cultiver des porte-greffes adaptés et de réduire le temps nécessaire pour lancer de nouvelles cultures.

« Ce qui prenait une génération peut maintenant se faire en cinq ans. » Cette capacité à innover rapidement est un atout majeur pour préparer le Bio de demain.


La création d’une nouvelle mandarine : l’exemple du brevet

Le développement de nouvelles variétés est une autre priorité. Grâce au travail de recherche mené par l’INRA et des associations locales, une nouvelle variété de mandarine unique en Corse a été créée, avec un juste équilibre entre sucre et acidité ! Exclusivité corse pendant 20 ans.

« C’est un travail de longue haleine : débuté en 2008, la variété sera pleinement rentable en 2035. Mais c’est un investissement pour les générations futures. » (Yoann, Domaines de la Taste).

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Être à la page : une question de mentalité

L’Agriculture Biologique demande une capacité d’adaptation et une ouverture permanente aux nouvelles idées. Les producteurs qui réussissent sont ceux qui savent anticiper et rester à la pointe de l’innovation.

Les nouvelles méthodes d’irrigation, les technologies comme l’eau restructurée ou les vibrations musicales, et la recherche constante de nouvelles variétés montrent que le Bio ne peut pas se contenter de suivre des pratiques traditionnelles. Il s’agit d’un secteur en perpétuelle évolution, où l’apprentissage est continu.

Être à la page dans le Bio, c’est aussi adopter un état d’esprit visionnaire. Cela implique de penser à long terme, d’investir dans des solutions durables et de ne pas avoir peur d’être qualifié de « fou ».


Le Bio de demain, une aventure collective

Le Bio de demain repose sur une combinaison de traditions, d’innovations, et d’initiatives collectives. Les agriculteurs corses, avec leur audace et leur passion, montrent que l’avenir est prometteur, à condition d’être prêt à relever les défis. Travailler pour la planète, pour les consommateurs, et pour les générations futures : telle est la mission du Bio de demain.

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