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Fermes verticales : futur ou désillusion ?

Marion Gaulin (Nouvelle Empreinte)

26 juillet 2024

Nous serons près de 10 milliards d'habitants en 2050 selon les Nations Unis, dont deux tiers à vivre en ville. Cela représente 2,5 milliards de nouveaux urbains par rapport à aujourd’hui.

Comment bien nourrir autant d’individus ? L’agriculture conventionnelle arrive déjà à ses limites et nous savons que ce système n’est pas durable : pollution de l’air, des eaux, des sols, déclin de la biodiversité, impacts néfastes sur la santé, pression sur les agriculteurs, etc.

Le futur de notre alimentation dépend alors d’une profonde transition agricole.

Au début des années 2000, Dickson Despommier, professeur à l’université Columbia à New York, invente un nouveau concept d’agriculture urbaine : les fermes verticales.

Comme son nom l’indique, une ferme verticale est composée de couches de cultures empilées verticalement dans des bâtiments en zones urbaines.

En agriculture verticale, on ne cultive plus la terre, on cultive en mode « hors sol ». Les produits poussent alors grâce à des technologies d’irrigation et d’éclairage bien rodées.

Comment ça fonctionne ?

Afin de faire pousser des fruits et légumes hors sol, en intérieur, sans rayon du soleil, il faut faire appel à des techniques spécifiques.

  • L’aéroponie : méthode de culture où les plantes poussent en recevant une fine brume d’eau nutritive directement sur leurs racines.
  • L’hydroponie : méthode de culture où les racines des plantes trempent dans des bassins d’eau stagnante imprégnés de nutriments jusqu’à la récolte.
  • L’éclairage LED : les lumières LED fournissent une lumière artificielle optimale pour la croissance des plantes.
  • L'automatisation et la robotique : des systèmes automatisés sont souvent utilisés pour la plantation, la récolte et la gestion des cultures.

En s’inscrivant dans des pratiques plus locales, plus économes en ressources et moins chimiques, les fermes verticales se positionnent comme un type d’agriculture qui pourrait faire face aux futurs défis de l’alimentation.

Depuis quelques années, les projets se multiplient à travers le monde, mais les fermes verticales sont-elles une solution sérieuse pour répondre aux enjeux de l’alimentation ?

Avant de rentrer dans le vif du sujet, faisons un petit tour du monde des fermes verticales.

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La ferme maraîchère verticale Ôplant au cœur de Montréal qui produit des micropousses sans pesticides ni OGM et en méthode hydroponique.

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Sky Greens est la première ferme verticale de Singapour, composée de 120 tours en aluminium de 9 mètres de hauteur (soit 38 étages). Une vingtaine d’agriculteurs y travaillent et produisent jusqu’à une demi-tonne de légumes par jour, poussant hors sol et irrigués à l’eau de pluie. Pour des résultats identiques sur une exploitation horizontale, il faudrait un terrain dix fois plus grand et deux fois plus de main-d’œuvre.

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Au Japon, la ferme verticale Mirai produit 10 000 laitues par jour, exposées aux lampes LED sur de hautes étagères.

« Pour l'instant, les machines travaillent mais le travail de récolte est fait manuellement. Dans le futur, nous espérons l'utilisation de robots pour les récoltes. Par exemple, un robot pourra à la fois planter les graines, effectuer la taille des plantes, récolter et même conditionner le produit fini. » - Shigeharu Shimamura, PDG de la société Mirai (“futur; le monde à venir” en japonais).

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La Cité maraîchère de Romainville est la première ferme verticale de France qui produit des fruits et légumes, des champignons en sous-sol, des fleurs comestibles, des plants et des semences. Cette dernière sert également à sensibiliser le grand public à l'agriculture urbaine en proposant des activités de jardinage, compostage, restauration, etc.

Fermes verticales, quels avantages ?

Produire davantage sur une plus petite surface.

Le principe des fermes verticales est d’optimiser l’espace en empilant les bacs de cultures sur des étagères de stockage. Ces cultures hors sol permettent de produire à grande échelle en occupant moins d’espace. Par exemple, pour produire 1kg de laitue par jour, seulement 9m2 sont nécessaires, contre 93m2 sur une parcelle traditionnelle.

Un meilleur rendement.

Selon Dickson Despommier, le créateur du concept des fermes verticales, le rendement pourrait être 100 fois supérieur à celui de l’agriculture traditionnelle, tout en utilisant 10 fois moins d’eau.

Les cultures verticales donnent également la possibilité de produire toute l’année sans se préoccuper des conditions climatiques extérieures, ce qui annule le risque de pertes liées à des situations météorologiques extrêmes comme la sécheresse, les pluies abondantes ou encore le gel.

Pas d’utilisation de pesticides.

Les pesticides et herbicides sont utilisés pour faire fuire les « nuisibles ». En ferme verticale, les produits ne sont pas en contact avec les insectes ou autres parasites. L’utilisation de pesticides n’est donc pas nécessaire, ce qui permet de préserver les sols et de proposer des produits plus sains.

Économiser les ressources en eau.

Un des principaux atouts des fermes verticales est l’économie en eau grâce à la technique de l'hydroponie qui consiste à faire tremper hors sol les racines dans des bassins d’eau imprégnés d’éléments nutritifs jusqu’à maturité et récolte. Les plantes reçoivent ainsi les nutriments dont elles ont besoin sans gaspiller d’eau. Ce procédé utiliserait 95% d’eau en moins qu’une agriculture de plein champ, selon un reportage de Reporterre à la ferme Nordic Harvest à Copenhague.

Une consommation locale.

En étant situées proche des zones de consommation, les fermes verticales réduisent les coûts et l'impact environnemental liés au transport des produits agricoles.

Une étude publiée dans Nature Food en 2022 montre que le transport mondial de marchandises associé à la consommation de fruits et légumes représente 36% des émissions générées par le transport alimentaire. Selon les chercheurs, c’est près de deux fois la quantité de gaz à effet de serre libérée lors de leur production.

"Étant donné que les légumes et les fruits nécessitent un transport à température contrôlée, leurs émissions liées au transport sont plus élevées" - Dr Li.

Fermes verticales, utopie écologique ?

Les fermes verticales présentent également des limites qui remettent en cause ce modèle “du futur”.

Un modèle plus énergivore que prévu.

Ces fermes verticales fonctionnent avec une climatisation, un contrôle des températures, de l’humidité et de l’éclairage artificiel en continu. Même en utilisant des sources d’énergies renouvelables, la consommation énergétique de ces endroits reste élevée.

Une ferme verticale peut utiliser entre 200 à 300 kWh par mètre carré par an rien que pour l'éclairage LED. Cela équivaut à la consommation annuelle d'un réfrigérateur moyen (environ 300 kWh par an). Multipliez cela par 6500 mètres carré, la superficie de la ferme AeroFarms dans le New Jersey, la consommation d’énergie est loin d’être un détail.

Certains alertent sur une nouvelle forme de culture intensive et au recours du “techno-solutionnisme” dont la dépendance aux technologies peut également générer des déchets électroniques.

Un coût initial élevé.

La mise en place d’une ferme verticale nécessite des investissements importants d’infrastructure, de fonctionnement et de maintenance ainsi que des coûts liés à la consommation d’énergie. Selon Dickson Despommier, la construction d’une tour se chiffre à 84 millions de dollars.

La start-up Agricool qui promouvait l’agriculture urbaine dès 2015, a partagé quelques éléments des raisons de leur faillite. Parmi eux, des coûts de production trop élevés : “Les herbes aromatiques sont rentables, mais la taille du marché est petite. Les salades ne le sont pas dans l’ensemble, les fruits et légumes, notamment la fraise, ne le sont pas non plus, malgré 4 ans de R&D” explique Guillaume Fourdinier, co-fondateur de Agricool.

Peu de diversité de cultures.

Il est possible de faire pousser pratiquement toutes les cultures en intérieur, mais seules certaines variétés sont rentables telles que les herbes aromatiques, qui ne représentent qu’une infime partie de notre alimentation. Il est encore difficile de rentabiliser la production de fruits et légumes avec ce système.

En prenant en compte les promesses et les limites de l’agriculture verticale, ce mode de production pourrait se présenter comme une solution complémentaire, mais ne peut pas venir remplacer l’ambition d’une profonde transition agroécologique.

Les fermes verticales peuvent avoir une utilité dans certaines régions de globe où la technique de l’hydroponie vient pallier certaines limites locales. Mais en général, le réel enjeu repose sur la réorganisation des terres agricoles, car l’agriculture urbaine ne pourra jamais nourrir l’entièreté de nos villes.

« Philosophiquement, il ne faut pas non plus avoir l’arrogance de vouloir faire mieux que la terre. Il y a beaucoup de processus dans la terre qu’on ne comprend pas, qu’on ne pourra jamais mesurer et qui font que des aliments qui y poussent auront toujours quelque chose de plus que des plantes ayant baigné dans un substrat toute leur vie. » - Marc Cases, président de la société Tootem - solutions d'éclairage dédiées à la culture hors sol.

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